La démocratie directe

LA FRANCE SOURDE A LA VOIE DU PEUPLE

Dans sa démarche d’organisation d’une insurrection citoyenne et non-violente, mais déterminée, Mobilisation Générale a choisi de traiter le sujet de la démocratie directe.
Afin de matérialiser ce concept de manière claire, nous nous sommes penchés sur le mode de fonctionnement de la Suisse. Afin d’être le plus objectif possible et le plus proche de la situation réelle de la démocratie en Suisse, nous avons regroupé nombre d’informations et d’articles, et vérifié nos sources.
La scission entre les citoyens et leurs dirigeants respectifs en Europe est un état de fait depuis déjà longtemps. Ces dernières années, les décisions anti démocratiques, voire même en violation des droits fondamentaux, démontrent la déroute vers laquelle nos politiciens nous ont irrémédiablement engagés. La France ne fait pas exception à cet ordre de marche. L’absence d’écoute de la volonté de son peuple en 2005 sur le refus des citoyens, par référendum, d’adopter la constitution européenne en est un exemple flagrant. La mise en place et les débordements concernant l’état d’urgence sont orientés et voulus par les « pops stars » en place qui souhaitent conserver le contrôle et la main mise sur le peuple, ainsi que leurs nombreux avantages. Pourquoi, sinon, leurs représailles seraient-elles dirigées contre la dissidence ? Il ne s’agit pas ici de contester sa légitimité dans sa lutte contre le pseudo-terrorisme, mais de voir plus loin que le bout de son nez. Les attentats horribles ne sont-ils pas le fruit de tractations secrètes, et l’ingérence de la France vis-à-vis de pays souverains, la réelle cause ?
Arriverons-nous en France aux mêmes types de décision mises en place au Portugal, en Espagne, ou en Grèce ? Les principes démocratiques ne sont-ils pas bafoués ? L’écoute des citoyens serait-elle tant incompatible avec la volonté du monde de la finance et du pouvoir ? Le réveil du peuple serait-il si dangereux ?
La démocratie en Suisse est, selon nous, une des solutions afin de retrouver une gestion pérenne de notre politique et de notre pays. Plus qu’une nouvelle constitution, il s’agit de changer notre société, une mentalité et surtout l’avenir de nos enfants. Il est clair qu’avant de rêver à un autre modèle de société, il faut d’abord « virer » la classe politique en place. C’est ce que nous vous proposons au sein de mobilisation générale. Dire d’une seule voix : « STOP, nous n’irons pas plus loin, nous souhaitons reprendre les rênes pour imposer une vraie démocratie. ».

La démocratie directe comporte des risques, mieux vaut être prêt à les prendre que de la contraindre dans des limites qui vont l’appauvrir

Mais avant de s’interroger sur la capacité du peuple à gouverner, questionnons-nous sur celle de nos représentants, qui ont « piteusement » échoué dans leur gestion des crises environnementales, militaires et économiques.
Alors oui, il ne fait aucun doute que la Suisse est actuellement la démocratie d’Europe la plus avancée en termes de souveraineté populaire et d’implication des citoyens dans la prise de décision. «Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple», selon l’expression de Lincoln. En somme, ce que l’on est en droit d’attendre d’une démocratie…
Secret bancaire, tyrolienne et horlogerie. Voilà ce qu’évoque la Suisse à la plupart de nos concitoyens. Mais les Français connaissent très mal le système politique de ce pays pourtant frontalier et francophone.
C’est regrettable, car la Suisse est un haut-lieu de la démocratie. Sûrement le pays européen où le peuple est le plus impliqué dans le processus décisionnel, et donc loin de toute « peopolisation » politique. Car, loin de cantonner le citoyen à un rôle d’électeur, mobilisé une fois tous les cinq ans pour élire ses « maîtres », la démocratie directe suisse lui permet de s’investir pleinement dans la vie politique de son pays.

La Suisse en quelques chiffres

Mais avant de vous révéler le secret de la démocratie suisse, commençons par rappeler que ce petit territoire montagneux est une confédération, composée de 26 cantons, disposant chacun de leur propre Constitution. La feuille d’imposition des citoyens répartit directement leurs contributions vers les trois niveaux de responsabilités, la commune, le canton, la nation. La Suisse possède le quatrième PIB nominal le plus élevé au monde par habitant, selon le FMI. Les Suisses ont la deuxième plus haute espérance de vie au monde sur la liste publiée par les Nations unies. Elle est classée comme l’un des dix pays les moins corrompus. Sur les cinq dernières années le pays a été classé premier en termes de compétitivité touristique et économique, suivant un rapport réalisés par le forum économique mondial. Zurich et Genève ont été toutes deux classées parmi les villes les plus agréables au monde par leurs qualités de vie selon un classement réalisé par Mercer. La Suisse est aussi le berceau de la Croix-Rouge et abrite de nombreuses organisations internationales, dont le deuxième plus grand Office, les Nations Unies. Dans le domaine européen, elle est l’un des membres de l’espace Schengen, mais pas de l’Union européenne ni de l’Espace économique européen. La Suisse possède quatre langues nationales : l’allemand, le français, l’italien et le romanche. Par conséquent, les Suisses forment une nation au sens civique du terme, et non pas au sens ethnique ou linguistique ; le sens fort de l’identité et de la communauté est fondé sur un fond historique commun partageant des valeurs communes, tels le fédéralisme, la démocratie directe. Le pays a une longue tradition de neutralité politique et militaire et n’a rejoint les Nations unies qu’en 2002. Il poursuit cependant une politique étrangère active, fréquemment impliqué dans des processus de construction de la paix autour du monde. De 1798, date de l’invasion française, au 12 Septembre 1848, date de l’acceptation de la première constitution fédérale, l’on peut dire que les bases du système politique suisse ont été mise en place par Napoléon Bonaparte.

Système constitutionnel Suisse

Comme dans la plupart des régimes actuels, le corps électoral suisse élit ses représentants qui siègent à l’Assemblée fédérale. Celle-ci est composée de deux chambres, le conseil des États et le Conseil national, aux pouvoirs identiques.
Ensuite, et c’est là que les choses deviennent intéressantes, le gouvernement – appelé Conseil fédéral– est composé de 7 personnes, élues par le Parlement. Il s’agit de faire siéger les principales forces politiques du pays. Il n’existe donc pas à proprement parler de parti d’opposition, vu que la plupart sont représentés au gouvernement. Cette particularité pousse les différents partis à rechercher le consensus et la stabilité plutôt que l’affrontement. Le président suisse, dont le rôle est honorifique, est élu pour un an parmi les 7 conseillers fédéraux, il n’a que peu de pouvoir et son rôle principal est celui de porte-parole.
Ceci n’empêche pas pour autant les partis politiques de critiquer l’action d’un gouvernement dont il est membre. Globalement, le pouvoir politique est très faiblement concentré dans le système politique suisse. Avec l’autonomie cantonale et les deux chambres, les droits populaires forment un système pour imposer un partage équilibré des pouvoirs politiques entre la fédération, les cantons, et le peuple.

Le pouvoir aux citoyens

Mais ce qui différencie vraiment la Suisse de la plupart de ses voisins européens, c’est le recours intensif au système de la démocratie directe. La possibilité laissée aux citoyens de s’exprimer sans passer par le truchement de représentants.
Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de leur Constitution, les Suisses ont eu recours 565 fois au référendum. D’ailleurs, plus de la moitié des référendums réalisés dans le monde ont eu lieu en Suisse.
Et les types de référendum sont les suivants :
Référendum obligatoire: Pour toute modification de la Constitution, ou toute adhésion aux organismes, ou traités internationaux, une double majorité de la population et des cantons doit être réunie. Depuis 1848, il y a eu 214 référendums obligatoires et 160 ont été acceptés.
Référendum facultatif: Les citoyens suisses, à condition de réunir 50.000 signatures dans les 100 jours suivant l’adoption d’une loi, peuvent déclencher un référendum pour la faire rejeter. Le référendum facultatif a permis au peuple de rejeter 93 lois depuis 1848 (sur 169 tentatives). Pour les organisations politiques ou syndicales, il est très facile de recueillir les 50.000 signatures qui correspondent à environ 1% du corps électoral. Il est même arrivé qu’elles soient recueillies en un week-end.
Initiative populaire: Le peuple suisse peut déclencher un référendum pour modifier la Constitution. Pour cela, 100.000 signatures doivent être récoltées en 18 mois.
A titre de comparaison, le référendum n’a été utilisé en France que 9 fois depuis 1958, tandis que sur la même période les Suisses se sont exprimés près de 400 fois. Et, au vu de l’absence de portée du dernier référendum français de 2005, l’on se demande si cela sert à quelque chose, en France !!!! Il s’agit plus d’effet de manche politicienne que d’une réelle participation du peuple.
Et la liste des «droits populaires», terme utilisé pour qualifier les leviers de démocratie directe, ne s’arrête pas là. Les votations que l’on retrouve au niveau fédéral sont déclinées au niveau cantonal et municipal.
Les cantons ne connaissent pas seulement l’initiative populaire constitutionnelle, mais aussi l’initiative populaire législative qui donne la possibilité aux citoyens de proposer l’adoption d’une nouvelle loi.
Certains cantons ont instauré également le référendum financier, par lequel certaines dépenses publiques doivent être approuvées par les électeurs, ainsi que le référendum législatif. Dans ce dernier cas, toutes les lois adoptées par le Parlement cantonal doivent être soumises au vote des électeurs.
L’attrait suisse pour la démocratie directe se vérifie encore davantage au niveau communal. Une partie des communes disposent d’un Parlement, tandis que les autres sont dotées d’une assemblée communale suivant leur taille. Tous les citoyens sont invités à y participer et à y voter. Cette forme d’assemblée est celle qui se rapproche le plus de la démocratie athénienne, où les citoyens, réunis en ecclésia, discutaient ensemble des affaires de la Cité.
Ce partage du pouvoir entre le peuple et ses représentants présente de nombreuses vertus. Elles alimentent de façon quasi continue des débats politiques approfondis sur tous les sujets qui comptent dans les affaires de la cité, ce qui élève les citoyens au rang de «politiciens occasionnels».
Ainsi, les grands enjeux de société sont débattus tant au niveau fédéral (retraites, impôts, laïcité…), que local (ramassage des ordures, construction de ronds point, permis de construire …).
Pour autant, les citoyens ne sont pas appelés à voter tous les jours. Pour des raisons de coût et de pratique, les votations sont organisées 4 jours par an. Et les citoyens n’ont même pas l’obligation de se rendre au bureau de vote. Ils reçoivent chez eux les bulletins de vote et la documentation, traitant des sujets à voter, qu’ils n’ont qu’à renvoyer par voie postale, ou, par internet.
Cette implication constante de la population permet de déplacer les enjeux de la vie politique, des questions de personnes aux réelles questions politiques. Ce qui distingue singulièrement la Suisse de la vie politique française grandement polarisée par l’enjeu présidentiel. La démocratie directe limite la professionnalisation et la personnalisation de la politique. Les représentants étant contraints de partager leur pouvoir avec le peuple, la vie politique n’est pas, comme c’est le cas en France, parasitée par une « starisation outrancière » des gouvernants.
Les parlementaires, touchant leur salaire ne sont pas, à proprement parlé, des professionnels de la politique. Le partage du pouvoir avec le peuple les pousse à plus de transparence, ils sont très contrôlés, et seraient très sévèrement punis s’ils se détournaient de leur mission citoyenne. Les lois qu’ils proposent sont aussi plus proches de l’attente du peuple, ne souhaitant pas les voir « retoquées ». Ils sont aussi plus concis, cela se vérifie notamment dans la rédaction des textes de lois qui doivent être courts et intelligibles par la majorité de la population.

L’implication dans le processus de décision produit des citoyens plus éclairés

Plus on offre aux citoyens la possibilité de participer à la vie politique, mieux ils sont informés. En se fondant sur les résultats d’une enquête, réalisée dans différents pays européens dont la Suisse, qui met en évidence la corrélation entre l’étendue des dispositifs de démocratie directe et les connaissances politiques. Et ce n’est pas tout. Le Guide de la démocratie directe, rédigé par plusieurs universitaires, met en évidence qu’un haut degré de d’implication populaire ne nuit pas à la performance économique, bien au contraire. L’implication des citoyens tend notamment à limiter les décisions orientées, étant de simples manœuvres politiciennes suivies de marche arrière « à la française ».

Une démocratie conservatrice

Pour autant, la démocratie directe ne fait pas que des heureux en Suisse. Elle ne subit pas d’attaque frontale mais elle est de plus en plus remise en cause par les parlementaires de façon insidieuse, arguant que la démocratie directe permet l’émergence de votations contraires aux «droits fondamentaux».
Certains scrutins récents ont effectivement donné du « grain à moudre » aux détracteurs de la démocratie directe. Dernièrement, les Suisses ont ainsi voté pour l’interdiction de construire des minarets, pour le renvoi des criminels étrangers, pour la sortie des accords avec l’Europe.
Les détracteurs de cette démocratie directe disent : « Comment prétendre incarner la démocratie parfaite si, dans le même temps, cette démocratie se ferme à l’autre et se replie sur elle-même?»
Il est facile de réfuter cette accusation. Ce n’est pas la démocratie directe qu’il faut juger, mais plutôt le conservatisme et le repli sur soi inhérents à la société suisse.
Si la xénophobie est mise en avant pour contester la démocratie directe, notons tout de même qu’au moment où les Suisses interdisaient les minarets, l’Union européenne accusait la France de discrimination raciale au sujet de sa chasse aux Roms, sans pour autant que le principe de démocratie représentative soit remise en cause de notre côté de la frontière.
Que dire du respect des droits concernant « l’état d’urgence » ? Sans oublier que les votations controversées représentent une infime partie des scrutins. Ainsi, depuis 1970, seules 6% des votations fédérales étaient consacrées aux questions de sécurité alors que dans le même temps, l’environnement et la politique sociale comptaient respectivement pour 21% et 23% des consultations.
D’autres votations sont actuellement en cours concernant la nationalisation de la Banque Nationale Suisse (BNS), afin de ne plus dépendre du « dictat » des financiers, la création d’un revenu universelle de base pour tous les ressortissants suisses de leur naissance à leur mort…

La Suisse, état « dictateur »

L’on peut dire que cette vraie démocratie est un état sécuritaire. Effectivement, mais pour le bien de tous.
Comme simple artisan, ainsi que toutes les autres professions, il vous suffira d’un rappel à votre facture pour déposer un commandement de payer à l’office des poursuites. Comme contrevenant, la gendarmerie vous notifiera votre convocation afin qu’une solution viable vous soit proposée. L’artisan est sûr d’être payé et le débiteur ne pourra pas s’enfoncer vers l’inéluctable. Chaque propriétaire d’appartement en location ou banque, vous demandera votre extrait des registres des poursuites afin de vous octroyer votre bail ou votre crédit.
Chaque commune possède son « contrôle de l’habitant ». Il s’agit d’annoncer son aménagement, comme son déménagement vers quelle autre commune ou vers l’étranger. Deux avantages certains, votre droit à résider sur le territoire est clair, et, si vos impôts ou taxes ne sont pas à jour vous serez facilement délogeable par les autorités.
Chaque voiture se verra attribuer une plaque d’immatriculation par le « bureau de l’automobile et de la navigation » si le certificat d’assurance de celle-ci est en ordre. En cas de non-paiement, par la suite, l’assurance déclare la non-couverture en assurance de ce véhicule et la gendarmerie vient vous la retirer à votre domicile si vous n’avez pas fait le nécessaire. Cette même plaque peut servir à plusieurs véhicules, vous ne réglerez que la cotisation la plus haute (petite voiture de ville pour la semaine et voiture du dimanche ou pour les longs trajets).
La conscription en Suisse, chaque citoyen pourra choisir de faire un service militaire ou de faire un service civil pour le bien de la société. S’il n’est ni militariste, ni humaniste dans l’âme, il aura même la possibilité de payer l’impôt militaire.
Les grèves en Suisse sont quasi inexistantes et ne seraient activées que si une partie de la population n’avait pas été attentive sur un sujet. Les forces de l’ordre étant, non « à la botte » de l’état, mais au service de leur peuple, leur légitimation et leurs missions sont perçues non comme un affrontement mais comme une démarche nécessaire et sécuritaire. Il est clair que ce n’est pas en Suisse que le ministère de la justice aurait pu employer 29 000 travailleurs au noir, et que, la politique des petits copains n’y a pas sa place.

Prendre le risque de la vraie démocratie

Néanmoins, d’autres phénomènes viennent ternir l’étendard de la démocratie suisse. Le puissant lobby « ÉconomySuisse » s’implique énergiquement pour faire barrage aux lois et votations qui pourraient aller contre les intérêts patronaux ou de la finance.
La faible participation aux votations est également pointée du doigt comme une limite de la démocratie directe. Avec une moyenne de 45% sur la dernière décennie, la participation n’est effectivement pas transcendante. L’on peut préciser néanmoins que pour les sujets importants, la participation peut atteindre 80% et que pour certains textes, il y a une forme d’autocensure des citoyens. S’ils ne se sentent pas compétents ou s’ils n’ont pas le temps de s’informer sur un sujet, ils ne vont pas voter. L’on peut aussi insister également sur le fait que si l’on compare le taux de participation de la démocratie directe suisse, qui permet à plusieurs millions de citoyens de s’exprimer, avec celles des systèmes représentatifs où seuls quelques centaines de parlementaires donnent leur avis.
Quant à la lenteur supposée du système, l’on ne peut la considérer comme problématique, au contraire. La démocratie a besoin de temps pour se développer. L’urgence a toujours été l’apanage du gouvernement de l’exécutif et des dictatures.
Alors certes, la démocratie suisse n’est pas irréprochable. Mais il serait dommage de se priver de ce formidable outil d’émancipation qu’est la démocratie directe sous prétexte que le peuple est faillible.

Ce texte est en partie inspiré par l’article d’Emmanuel Daniel publié sur slate.fr

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