Finkielkraut voit Nuit Debout comme "une petite kermesse sous cloche"

Alain Finkielkraut est revenu, ce lundi 18 avril sur France Culture, sur son éviction de la place de la République samedi soir par quelques membres de Nuit Debout et porte un jugement sévère sur le mouvement.

Lien vers le site de l’article

Il n’a pas très bien vécu – et pour cause – son expulsion de la place de la République par un petit groupe de manifestants de la Nuit Debout samedi soir. Invité de France Culture ce lundi 18 avril, Alain Finkielkraut a raconté sa propre version de cet épisode avant de donner son analyse du mouvement. Un mouvement qui, selon lui, se voudrait être “une agora où la discussion règne” mais où en réalité “le même fraye avec le même” et où “l’autre est l’ennemi”.

Ce soir-là, le philosophe avait donc décidé de “se faire une idée” de Nuit Debout. Accompagné de son épouse, il s’est donc rendu place de la République, où il a rapidement été interpellé par des personnes mécontentes de le trouver là. Le couple a cependant pu assister à “deux assemblées générales, contre la société de consommation et contre le capitalisme”, ainsi qu’à “un petit atelier sur la cause animale” avant d’être interpellé plus vivement par un homme, puis par tout un petit groupe qui l’a chassé sous les insultes : “Fasciste !”, “Dégage !”…

> VIDEO – Finkielkraut chassé de Nuit Debout : “on a voulu purifier la place de ma présence”

S’il dit ne pas vouloir “donner trop d’importance à ce qui lui est arrivé”, Alain Finkielkraut en tire une série de conclusions : “La Nuit Debout c’est, nous dit-on, une agora où la discussion règne mais en réalité, c’est le même qui fraye avec le même. L’autre, c’est l’ennemi. Et c’est intéressant, malgré tout. (…) Il s’agit pour Nuit Debout de manifester le besoin d’un monde postérieur à la bourgeoisie et au capital où pourrait s’épanouir une véritable communauté humaine. Et on commence par purger, comme s’il n’y avait pas eu de XXe siècle, comme s’il n’y avait pas eu d’expériences totalitaires, on commence par purger cette communauté de toute présence divergente, dissidente, étrangère. Je pense qu’il y avait des gens à Nuit Debout qui sont désolés de ce qui m’est arrivé, mais visiblement ils étaient très minoritaires.”

Le philosophe se montre plus cruel encore lorsqu’il analyse ce qui relève selon lui d’une surmédiatisation du mouvement :

“Ce que j’ai pu constater ne serait-ce qu’en traversant la rue, c’est que ça ne prend pas. C’était samedi soir, les gens allaient au théâtre, en sortaient (…) ils ne prêtaient aucune attention – mais aucune attention ! – à ce qu’il se passait à quelques mètres d’eux. C’est comme une petite bulle révolutionnaire, au milieu d’une ville complétement indifférente. Je m’interroge sur l’extraordinaire publicité donnée par les médias à ce mouvement. On lui a fait le lancement de Star Wars alors que c’est une petite kermesse sous cloche.”

Finkielkraut estime enfin qu’il faudrait “interroger l’idéologie médiatique”, qui tenterait de “promouvoir ce mouvement” là où d’autres rassemblements – et il cite celui des Veilleurs opposés au mariage pour tous ou à la GPA, mouvement qu’il précise ne pas cautionner – n’ont selon lui pas eu le même écho.

Face à lui sur France Culture, l’historien Pierre Rosanvallon répond que, certes, il ne faut pas “idéaliser ce qu’il se passe” mais qu’il ne s’agirait pas de le “démoniser non plus” :

“L’espace de bienveillance est nettement plus large que l’espace des groupes activistes classiques dont Alain Finkielkraut a été victime. Ne faisons pas de cet indicent l’indicateur qui va juger de ce qu’il se passe place de la République, ça me paraîtrait très exagéré.”

Pierre Rosanvallon considère également que la question de “la surmédiatisation doit être posée” mais il y voit “le symptôme que tout le monde, et dans les médias aussi, est dans l’attente qu’il se passe quelque chose.” Une véritable attraction pour tout ce qui est en mouvement qui lui paraît “très positive”.