Article INDECT

Le Ministre de l’Intérieur polonais suspend la coopération avec INDECT, la Commission Européenne relativise …
Ces derniers temps le projet européen INDECT 1 suscite de plus en plus d’attentions, après avoir passé 3 ans dans l’ombre du F7P, qui regroupe l’ensemble des programmes de recherches financés par l’Europe. Après avoir pris part à de nombreux salons, colloques et conférences dédiés à la sécurité des communications et aux technologies de profilage criminel, INDECT a entrepris en 2010 une phase expérimentale en coopération avec la police polonaise. D’après les publications du site du projet, il s’agirait de mettre en oeuvre les technologies d’analyse d’images de la vidéosurveillance (watermarking) et celle de reconnaissance faciale (facetracking) pour coréler les données recueillies avec une recherche sur Internet et dans les fichiers de police.
Cette coopération avait déjà suscité à l’époque (novembre 2010), une série d’interrogations de parlementaires européens 2, soucieux de connaître les tenants et aboutissants éthiques des tests présents et prévus. INDECT avait alors tenté de rassurer en affirmant qu’aucun test n’était projeté pour la Coupe du Monde 2012 et que toutes les précautions en terme de volontariat des participants allaient êtres prises.
Deux ans plus tard, le 17 avril, le ministre de l’Intérieur polonais Jacek Cichocki ne semble pas aussi assuré du caractère éthique du projet, face à une mobilisation croissante de la société civile 3; après avoir rencontré Mark Dzialoszyriskim, le chel de la police, il annonce dans un communiqué de presse (retiré du site du gouvernement depuis) la coopération entre les services de Police et INDECT, et qu’il ne souhaitait pas non plus faire appel à l’avenir à des technologies similaires à celles développées par INDECT. La surprise est totale chez INDECT, dont le coordinateur polonais, le Département de Télécommunications de l’Université de Cracovie (AGH) affirme qu’il a découvert la nouvelle dans la presse. A la Commission Européenne, interrogée par une journaliste polonaise 4, le porte-parole de la Commission, Carlo Corazza, relativise en affirmant qu’INDECT n’a pas de raisons de s’inquiéter, qu’il a fait l’objet d’un audit éthique à Bruxelles, par une commission de 8 experts, et que le projet a été approuvé les pays de l’UE, y compris la Pologne. Selon Carlo Corazza, chaque pays sera libre d’acquérir l’outil développé par INDECT ou non.
On apprend notamment dans l’article que le Ministère de la Défense espagnol, la police irlandaise, la République Tchèque, Malte, la Lettonie, la Roumanie et … EUROPOL, seraient intéressés pour une acquisition des outils développés par INDECT d’ici le 31 décembre 2013, date à laquelle INDECT devrait avoir finalisé ses travaux puis se clôturer. A partir du moment où EUROPOL acquière ce système, on est en droit de se demander si un seul pays Européen est encore en mesure de refuser le système dès lors qu’un vaste chantier de coopération des polices et d’européanisation des outils de prévention, de sécurité et des fichiers policiers est déjà bien engagé. Notamment au travers de près des 182 autres programmes sécuritaires que compte le F7P actuellement 5, et qui réunissent l’ensemble des pays européens (et au-delà : Israël, USA, Canada, etc.), de nombreux instituts privés et publics de recherche et entreprises privées, pour un financement européen de plus de 1,5 milliards d’euros.
Quand on sait que le système proposé par INDECT a déjà été éprouvé outre-manche, par Scotland Yard, lors des émeutes londoniennes en août 2011 5, grâce aux outils de reconnaissance faciale développés au sein du projet européen ADDPRIV 6 (également parainé par le F7P), on comprend qu’INDECT et son coordinateur polonais, le Dr. Andrzej Dziech, ne doivent pas s’inquiéter : si le projet devient trop polémique, il suffira de le renommer ou de le diluer dans les projets similaires qui sont dans les cartons du F7P (SYSSEC, ADDPRIV, etc.). D’autant qu’INDECT a eu 3 années tranquilles pour travailler et renforcer ses partenariats, grâce aux 17 institutions parties prenantes dans le projet, répartites dans 10 pays européens. Pour la France c’est l’école ENSIMAG et le département de recherche GIPSA-lab de l’Institut Polytehnique de Gernoble (INP) qui apportent leur savoir-faire en matière, de façon fort discrète puisque nul part n’apparaît de mention d’INDECT dans les projets de recherche de l’INP, alors que le 24 et 25 juin 2010 c’était l’ENSIMAG qui invitait INDECT a une présentation du projet lors d’un meeting du WP3 (work program 3 du F7P) 7.
Pour un programme qui n’a pas de soucis avec l’éthique, autant de discrétion des contributeurs et d’inquiétude de la part du Ministre de l’Intérieur Polonais ont de quoi nous faire douter, et pas que nous, si on en juge la mobilisation qui enfle sur twitter avec le site allemand de mobilisation européenne “STOPPINDECT8 qui annonce un millier d’abonnés à son fil d’information twitter etn recense 287 articles faisant mension d’INDECT sur sa page de veille 9.
1 La présentation du programme sur le site du F7P : cordis.europa.eu/projects/index.cfm?fus... / le site web du programme INDECT : www.indect-project.eu
2 Les questions posées à INDECT au Parlement Européen : www.europarl.europa.eu/sides/getAllAnsw...
3 Cf. l’appel lancé à ses lecteurs polonais par le blogueur D. dennisboots2.wordpress.com/2012/04/06/o...
4 L’article en polonais (à lire avec un traducteur automatique : www.rmf24.pl/fakty/news-bruksela-polska...
5 La page du site européen Cordis qui recense tous les projets sécuritaires financés par l’Europe : cordis.europa.eu/fetch?CALLER=FP7_PROJ_...
L’article d’ieee spectrum qui décrit les résultats très médiocres obtenus par la technologie de reconnaissance faciale dans l’identification des émeutiers londoniens le 6 août 2011 spectrum.ieee.org/computing/software/th...
6 Le site internet du projet ADDPRIV : www.addpriv.eu
7 Présentation d’INDECT à l’INP de Grenoble : www.indect-project.eu/events/wp3/wp3-me...
8 Site web de STOPPINDECT : stopp-indect.info
9 Page de veille de STOPPINDECT : pinboard.in/u:2oIand/t:indect